Premières écritures à la Maison Julien Gracq



Atelier d'écriture à la Maison Julien Gracq | Septembre 2014


A Saint-Florent-le-Vieil, la maison de l'écrivain Julien Gracq est devenue une résidence pour des auteurs et des fenêtres, on voit couler la Loire, on a l'impression que cette maison flotte sur l'eau.

Nous sommes allés passer une journée avec des étudiants1 pour faire un atelier d'écriture en septembre 2014 sur le thème de notre projet.

Nous avions choisi des citations de "La forme d'une ville" de Julien Gracq pour nous inspirer et faire nos premiers pas dans l'écriture. Dans ce livre, il parle de son adolescence, de la géographie de Nantes, l'une et l'autre sont mêlées.


"Je vivais au cœur d'une ville presque davantage imaginée que connue, où je possédais quelques repères solides, où certains itinéraires m'étaient familiers, mais dont la substance, l'odeur même, gardait quelque chose d'exotique : une ville où toutes les perspectives donnaient elles-mêmes sur des lointains mal définis, non explorés, un canevas sans rigidité, perméable plus qu'un autre à la fiction."


"Les conditions dans lesquelles j'y vivais faisaient que, dans mon cas, la ville n'était ni vraiment et familièrement habitée, ni non plus simplement visitée. à onze ans, je n'avais aucune idée des monuments plus ou moins remarquables qu'elle pouvait renfermer. Nul ne m'en avait parlé; je n'avais rien lu à leur sujet..."


"J'ai vécu en symbiose trop étroite avec Nantes, dont l'image s'enrichissait en moi au long des années, en même temps que s'achevait en elle ma "croissance", pour ne pas avoir de difficulté à cerner la représentation que je me fais d'elle. C'est son image agissante, bien, plutôt, qui a tendance à me cerner : d'une manière générale, et de quelque époque de ma vie qu'il s'agisse, je ne me vois jamais en souvenir, au fond de la perspective dessinée par le recul des années, que plongé corps et âmes dans un élément beaucoup plus concret, beaucoup plus stimulant et contraignant à la fois, que celui auquel on applique d'habitude le nom de milieu. J'essaie de prendre quelque distance avec ce complexe de rues et de places dans lequel ma vie s'est trouvée coulée à son époque la plus sensible : entreprise aléatoire, car ce qui a touché de près nos commencements ne cesse jamais tout à fait, même dans l'absence, de participer de loin, si peu que ce soit, à nos mutations."


Voici, que dans ces citations qui ne parlaient pas exactement de la maison apparaissaient plusieurs thèmes liés à la ville et notre but n'est pas de rester enfermés dans une maison :



1- La ville fiction avec laquelle je me raconte des histoires parce que je ne la connais pas bien. Cela renvoie aussi, à l'exotisme, au lointain, aux territoires non explorés.

2- La ville jungle et l'enfant sauvage qui part à la découverte des rues, s'aventure dans un labyrinthe.

3- Les villes parallèles, c'est la superposition de plusieurs villes dans la même, la ville touristique avec ses monuments, la ville administrative, la ville commerçante et sa ville subjective.

4- La ville berceau, on y est né, on y a grandi et quand on s'y promène, on peut lire sa vie, ses transformations.

5- La ville oracle, quand on cherche un sens à sa vie, un signe qui nous donnera une direction.

C'est avec ces mots que nous avons commencé à écrire. Puis, il nous a semblé intéressant d'observer deux moments particuliers de la journée : le lever et le coucher. Comme on couche ses idées sur une feuille, au moment où on se couche et où on se lève, il y a des temps qui se superposent, des désirs, des urgences, des obligations entre soi et la vie, des archéologies sensorielles.

Ronan Cheviller 

 

 

 

   

Premières écritures des étudiants | Extraits

 

" Depuis quelques temps il y a des changements dans notre réalité et perception. Finalement on a compris que les choses non-humaines sont vivantes et que les choses parlent tout le temps. Par exemple : Hier, quand j’étais à la fac mon portable m’a dit que je dois chercher la maison qui marche sur l’eau. Donc, je me suis mis à la chercher. Mais à ce moment là, alors que j’étais à Saint-Florent-le-Vieil, la maison m’avait déjà trouvé [...]" 

 

Onomatopées 

 

"Ce matin je me suis réveillé tôt. « Argh ! » Je préférerais rester dans mon lit car il est toujours confortable et chaud. Mais je devais m’habiller pour ne pas rater l’excursion. Un Zipp, un wush et j’étais prêt. Brrr…brrr… Et soudain, mon portable a vibré. Un texto d’une copine. « Ah c’est chouette ! ». Je dois penser à mes copains qui sont en Allemagne. Silence. Je suis sorti de l’appartement et j’ai parlé avec le chat qui est passé devant moi : « Miaou, miaou ! Tu vas bien petit chat ? Qu'est-ce que tu es beau ! Uhlala ! ». Le chat m’a ignoré et il s’est mis à chasser des oiseaux. « Bon… » je pensais. S’il ne veut pas communiquer avec moi, tant pis pour lui ! Avant d’arriver à la gare, j’ai pris un souffle profond. « Puh ! Ça c’est bon ! ». C’était tellement stimulant et après j’avais envie de commencer la journée".
 

L’expression « ville jungle »

" J’ai entendu l’expression « ville jungle » pour la première fois dans le contexte d’une discussion sur le spectacle musical West Side Story dans un cours à la fac. L’action de cette pièce commence à New York où il y a deux groupes de jeunes qui se comportent un peu comme des enfants sauvages parce qu’ils se battent entre eux. Même si la ville de New York dans le film de West Side Story n’est que fictionnelle, des coulisses construits par les studios d’Hollywood, ça ressemble à une vraie ville. En général, New York est une ville qu’on voit dans plein de films. Avec toute l’industrie créative là-bas, c’est vraiment une ville berceau pour des artistes. Mais aussi pour des immigrants, avec la statue de la liberté et sa promesse du rêve américain, New York est aussi une ville de destin pour beaucoup de gens. Pour ne pas sortir de mon sujet, il y a des gens qui sont énervés par West Side Story et spécialement par la musique de Bernstein, cependant moi, j’aime bien le voir en DVD dans mon appartement, une fois par an."

Christofer 



 

"Je me souviens de cet appartement, le parquet craquant sous mes pieds, l'odeur ancestrale de ma famille imprégnée sur les murs, me donnait l'impression que cette bâtisse des années 1920 vivait. Oui, un appartement vivant. Plein de souvenirs, de moments passés ensemble. Les mémoires des cinq dernières générations étaient gravées à l'encre indélébile dans chaque recoin. Il nous appartenait, incarnait, évoquait pour chacun de nous, un chez-soi."

Clémence 


 




 ________________________________________

1. Etudiants du Master Trinational Nantes - Düsseldorf - Vienne, "Analyse des pratiques culturelles, Cultures scéniques et médiatiques".